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ffReporter, L'Oeil Judiciaire

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  • ffReporter, le blog du monde judiciaire. Son fondateur, Faiçal FAQUIHI, chroniqueur attitré de L'Economiste, vous plonge dans les grands procès du Maroc. L'auteur use ses semelles en arpentant les tribunaux et croque avec sa plume les frontières du réel
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30 décembre 2014

La défense s'attaque aux vices de forme

Affaire Bourgogne

La défense s’attaque aux vices de forme

L’affaire de l’effondrement des trois immeubles survenu début juillet 2014 à Casablanca prend un nouveau virage. L’audience du 17 décembre, tenue au tribunal correctionnel de Aïn Sbaâ, a été entièrement réservée aux vices de forme. Les avocats de la défense vont se relayer pour casser la légalité des procédures engagées par le juge d’instruction. L’enjeu est de pilonner les preuves et  minimiser donc le risque d’une condamnation pénale. Me Massoud Leghlimi prend la parole en premier. 

Deux juges pour une seule enquête 

Il se prévaut du code de procédure pénale: «Un magistrat enquêteur ne peut se saisir de l’affaire que s’il est sollicité par écrit par le Ministère public. Les juges d’instruction sont ainsi désignés nominativement (par leurs noms)». Ces derniers se déplacent sur les lieux de l’infraction, collectent des preuves, auditionnent des témoins…  L’avocat de Mohamed Nazih, ingénieur en génie civil, s’arrête sur la date de quelques procès-verbaux. Le juge Omar Kassi suspend temporairement son enquête pour partir en congé annuel. Nous sommes le 18 août 2014. Son suppléant prend la relève «sans que le procureur du Roi ne le saisisse et auditionnera mon client», déclare Me Leghlimi en réclamant l’annulation de cette procédure. De retour de ses vacances, le juge d’instruction signe son ordonnance de renvoi mi-septembre 2014. Son acte fixe les charges retenues contre les prévenus et ouvre la voie à un procès. Homicides et blessures involontaires (23 morts) sont en tête de liste.

Expertise contestée

La défense s’en prend ensuite à l’expertise diligentée auprès du laboratoire public LPEE. «Elle est introuvable dans le dossier. L’expertise des édifices a-t-elle été réalisée ou bien le juge d’instruction a désigné une autre partie pour la mener?». Là aussi les avocats pactisent pour réclamer au président, Mustapha Belhmidi, «d’écarter la supposée preuve». Arguant qu’il y a vice de procédure dans la mesure où leurs clients n’ont pas été préalablement avisés par la justice. La défense fait valoir le débat contradictoire et qui aurait permis aux prévenus «de pouvoir récuser l’expertise judiciaire ou de formuler des observations, des réserves…». Un des représentants des robes noires va jusqu’à contester la qualité de LPEE: «Est-il inscrit sur le tableau des experts judiciaires de la Cour d’appel de Casablanca?». Condition qui est en principe indispensable. L’existence d’un flagrant délit justifiant le recours à la détention préventive est également contestée. La sempiternelle prescription des faits sera «le grand titre de cette affaire qui marquera les annales judiciaires», tonne l’un des avocats. Face à la présidence, l’orateur rappelle «son droit de recourir à la Cour de cassation» pour trancher ce point en particulier. La défense de Mimoun Azroul attaque à son tour en exigeant «la requalification du délit en contravention». Tout un débat s’enchaîne sur le code de l’urbanisme et ses implications pénales. On ne s’arrêtera pas là. Les frères Hannache sont cités comme témoins à charge. «Or, le juge d’instruction ne les a pas confrontés avec mon client Mohamed Labadi», conteste la défense. Et qui insiste à ce que le caïd de l’arrondissement soit convoqué en tant que témoin: «N’est-il pas le supérieur hiérarchique du prévenu?».

Appui aux pièces à charge  

L’un des avocats déraille du débat juridique pur et dur pour critiquer «une institution importée du droit français». Allusion au juge d’instruction «instauré fin des années 1880 en France. Mais dont nous n’avons malheureusement retenu que le titre». Ce qui sous-entend que la rigueur des enquêtes de nos magistrats laisse à désirer! Le président de l’audience finit par rattraper la brebis galeuse: «Quelle est votre requête?».   
Face à la défense, l’accusation ne restera évidemment pas les bras croisés. Elle contestera en bloc  toutes les prétentions des avocats. «Le juge d’instruction s’est personnellement déplacé sur les lieux du drame. Il n’avait donc nullement besoin qu’il soit sollicité pour se saisir de l’affaire», déclare le procureur du Roi. Non sans souligner que «le remplacement temporaire du juge parti en congé garantit la bonne marche de la justice. Et ce, conformément au plan annuel fixé par l’assemblée générale du tribunal». Quant à l’expertise judiciaire, «elle aurait pu être contestée dans les délais légaux auprès de la chambre correctionnelle de la Cour d’appel. Chose qui n’a pas été faite». Reste aussi, poursuit la magistrature debout, que le non-recours à une confrontation au cours de l’enquête d’instruction «n’est pas un vice de forme». En fin d’après-midi, l’audience est levée après plus de deux heures de débat. Le président, Mustapha Belhmidi, va se prononcer le 26 décembre uniquement sur les vices de forme. Ce qui va ouvrir la voie à l’audition des prévenus, des témoins.

Faiçal FAQUIHI

 

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14 décembre 2014

L’ingénieur en génie civile boude son procès

Affaire Bourgogne

L’ingénieur en génie civil boude son procès

Mohamed Nazih est en grève de la faim. Son avocat nous révèle l’information avec regret au détour d’un couloir du tribunal correctionnel de Casablanca. Me Messaoud Leghlimi vient de quitter la salle 4 après la très brève audience du mercredi 3 décembre 2014. Son client, avec quatre autres personnes, est en détention préventive au pénitencier d’Oukacha depuis quelques mois déjà. Ingénieur de profession, Mohame Nazih est l’un des dix mis en cause dans l’effondrement des trois immeubles, survenu début juillet 2014 au quartier Bourgogne à Casablanca. Le bilan de la Protection civile faisait état de 23 morts et 54 blessés (cf. L’Economiste du 15 juillet 2014).

Du drame au procès

Se considérant «victime d’une injustice», l’ingénieur sexagénaire «refuse même d’assister à son procès», précise la défense. Les charges retenues par le juge d’instruction, Omar El Kassi, sont pourtant graves. Le prévenu, qui a créé un cabinet d’étude en 1986, est accusé «de complicité pour homicides et blessures involontaires, de corruption et d’avoir établi sciemment une attestation relatant des faits matériellement inexacts». L’interdiction d’exercer ses droits civils (de 5 à 10 ans) et toutes fonctions ou emplois publics pendant dix ans au plus plane également sur l’expert en génie civil.
Que lui reproche le magistrat-instructeur? D’avoir remis en 2000 une attestation de fin de gros œuvres au propriétaire de l’immeuble n°27, lequel va s’effondrer… 14 ans plus tard. Détail que la défense va successivement faire valoir devant les enquêteurs et le tribunal. Car la loi 12-90 relative à l’urbanisme prévoit la prescription décennale à compter de la date de réalisation des travaux. Traduisez: au-delà de 10 ans la responsabilité juridique du signataire s’éteint. 

Encore un délai de grâce  

L’attestation en cause «a été remise au bénéficiaire pour obtenir l’autorisation d’habiter… Or la commission d’inspection (administrative) avait constaté des irrégularités comme la non-conformité des travaux au plan», note le rapport d’instruction.
Durant l’enquête, Mohamed Nazih soutiendra «avoir supervisé le volet technique de la construction du 4e et 5e étage, que les travaux étaient conformes à 90% au plan qu’il a mis sur pied et que les irrégularités ont été commises après avoir établi l’attestation».
Qui a tort et qui a raison? Le procès est toujours à ses débuts. Lors de la dernière audience, le tribunal a ordonné de re-convoquer les prévenus absents. Cinq d’entre eux comparaissent en état de liberté. Encore une fois, la cour accordera un délai supplémentaire à la partie civile pour faire valoir ses prétentions (nature du préjudice, dommages et intérêts…). D’où le renvoi de l’affaire au 17 décembre. Il fait suite à un autre report décidé pour permettre à des victimes où à leur ayants droit de désigner leurs avocats. Un brin agacé par ces ajournements successifs, le juge Mustapha Belhmidi semble déterminé à aller de l’avant: «Le dossier est en l’état» pour le démarrage des débats. Il donne rendez-vous aux parties en cause pour mercredi prochain.

 

 

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